Temps de lecture : 8 minutes environ.
Salut à tous,
Lors d’un récent meeting, Donald Trump a proposé d’autoriser la police à 24 heures de violence illimitée afin d’en finir définitivement avec la délinquance.
Son inspiration ? Le film American Nightmare, une dystopie dans laquelle le crime est légal une nuit par an. Donald, comme nous tous, a été façonné par les histoires qui l’ont le plus marqué.
Dans sa série d’articles “Trump fictions”, le journal Le Monde propose une virée fascinante dans la tête du nouveau Président américain, en analysant les œuvres auxquelles il fait régulièrement référence.
Au programme : Fast and Furious, Air Force One, Death Wish et un paquet d’autres fictions proposant un joyeux mélange de virilisme, complotisme, castagne et bigoterie à gogo.
C’est le fruit de ce cocktail qui va s’asseoir tous les jours dans le Bureau ovale jusqu’en janvier 2028.
Bref, il y a du taff. Tellement de taff que j’en suis venu à me demander si la culture américaine avait déjà produit des histoires qui nous projettent autre part que dans un monde individualiste, compétitif et consumériste.
Et puis je suis tombé sur une pépite. Un livre écrit en 1975, qui propose ni plus ni moins qu’un futur positif, ambitieux et réalisable pour l’Amérique.
On en parle en détail dans cette newsletter. Si vous avez l’adresse mail de Donald, n’hésitez pas à la lui transmettre.

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J’intervenais l’autre jour aux Universités du tourisme durable : en 5 minutes, j’ai trouvé sur Komando une dizaine de campagnes créatives et malines pour illustrer la manière dont les acteurs du secteur peuvent relever les enjeux sociaux et écologiques.
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Si les Ricains n’étaient pas là
Une utopie américaine
Retour à la réalité
1. Si les Ricains n’étaient pas là
« Si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie » chantait Michel Sardou en 1968. Si les Ricains n’étaient pas là, on aurait aussi sans doute moins envie de conduire des grosses caisses, de passer nos week-ends à faire du shopping et de prendre l’avion comme on prend le métro.
Depuis 1945, les histoires qui nous parviennent des États-Unis à travers les films, les séries ou les bouquins qui y sont produits captivent notre imaginaire et influencent nos modes de vie.
Tout en nous divertissant, ces récits introduisent dans nos esprits des façons très spécifiques de définir le rêve, la réussite ou le bonheur. Qui n’a jamais eu envie de vivre comme les personnages d’Entourage, Newport Beach ou Gossip Girl ? Désolé pour les refs de Gen Y.
Pourtant, les imaginaires que véhicule la plupart de ces objets culturels ne sont pas compatibles avec les limites planétaires et la justice sociale. Individualisme, abondance, accumulation, performance… Sans parler de croissance infinie, progrès technologique et domination du vivant. Vous connaissez ça par cœur !
Alors, faut-il vraiment arrêter de compter sur les Américains pour proposer des histoires qui donnent envie de vivre mieux avec moins ? Bien sûr que non !
Régulièrement, ils nous font de jolis cadeaux : le livre Walden (Henry David Thoreau, 1854), les films Into the wild (Sean Penn, 2007) et même Captain Fantastic (Matt Ross, 2016) par exemple. Et puis comme ils sont définitivement trop forts ces Ricains, ils nous ont surtout offert l’une des meilleures utopies jamais écrites.
Ça s’appelle Ecotopia et ça risque de vous en boucher un coin (promis c’est pas lui qui l’a écrit👇).
2. Une utopie américaine
Cet été, lors d’une randonnée dans le massif des Écrins, je suis tombé sur deux personnes en refuge qui lisaient Écotopia comme moi.
Traduit dans le monde entier et vendu à plus d’un million d’exemplaires, le livre d’Ernest Callenbach a été publié il y a presque 50 ans ans… Pourtant, il est furieusement d’actualité.
Résumé sans spoiler - En 1980, la Californie, l’Orégon et l’État de Washington décident de faire sécession pour créer un nouvel état fondé sur la décroissance - économique, démographique, consumériste - et sur un équilibre stable entre les humains et le reste du monde vivant. Sounds familiar ?
Au moment où le récit commence, l’Écotopia existe depuis une vingtaine d’années : ce n’est plus une utopie fumeuse, c’est devenue une réalité tangible vécue par des millions de citoyens. Ses dirigeants décident alors de rétablir quelques liens avec les États-Unis en accueillant le plus célèbre de leurs journalistes, le new-yorkais William Weston.
Le roman mêle deux histoires : celle que Weston raconte aux lecteurs états-uniens dans ses articles hebdomadaires…. Et celle qu’il raconte dans ses notes personnelles. Le scepticisme au sujet du modèle écotopien qui prévaut dans l’une et l’autre au début va peu à peu évoluer au fil de ses rencontres et de ses découvertes.
Pourquoi c’est une belle histoire - Dans Écotopia, Callenbach explore l’idée que des changements radicaux de modes de vie sont non seulement possibles, mais carrément souhaitables.
Ce n’est pas qu’un simple roman : c’est le manifeste d’une vision pionnière qui, depuis sa publication, inspire un bon nombre de mouvements écologistes et de penseurs en quête d’un avenir plus soutenable.
En Écotopia, il n’y a plus de voiture individuelle, les transports sont gratuits, les avions de ligne sont interdits dans l’espace aérien, les arbres abondent dans les grandes villes, les objets sont conçus pour durer et chacun sait les réparer, les énergies renouvelables ont supprimé la dépendance aux énergie fossiles, les habitants travaillent 20 heures par semaine etc.
Bref, en 1975, un type avait imaginé un pays où la plupart des luttes écologistes d’aujourd’hui auraient été remportées.
Pour rendre tout ça encore plus crédible et réaliste, Callenbach y a fait subsister quelques défis qui surgissent ponctuellement : l’isolement du pays et sa fragilité face aux crises extérieurs, la méfiance vis-à-vis des étrangers, des inégalités entre les citoyens en fonction de leur genre et de leur origine.

Comment ça peut inspirer nos projets - Avec Écotopia, Callenbach s’est lancé dans l’exercice délicat de raconter un futur positif sans tomber dans la description d’un monde de bisounours lisse et insipide.
J’en retiens 3 leçons, que j’essaie de pratiquer au quotidien :
Se documenter à fond pour détailler une utopie aussi réalisable que possible. Pour embarquer tout le monde même les plus sceptiques, rien de plus efficace qu’une description précise, plausible et immersive. J’ai eu l’occasion de bosser avec le Shift Projet sur l’un de mes projets de série, c’est passionnant de se faire challenger par des experts pour enrichir l’univers de son histoire.
Baser toute l’histoire sur la transformation de son héros. C’est le vrai génie de Callenbach : le récit de la mutation d’un journaliste cynique, macho et bourré de préjugés au contact des Écotopiens (et surtout d’une Écotopienne) permet de convaincre d’autant plus efficacement que ce pays de cocagne ne relève pas que d’une simple utopie.
Ne pas hésiter à “tendre” un peu plus la narration avec des enjeux et des conflits aussi élevés que possible. Dans Écotopia, j’ai trouvé le récit parfois trop centré sur la description du modèle écotopien pour asseoir la faisabilité de celui-ci. Même dans une histoire dans laquelle l’arène est clé, toujours revenir aux personnages en créant un maximum d’obstacles à leur faire surmonter.
Petite interruption de programme
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Pour tout ça, un seul mail : thibaut.labey@gmail.com.
3. Retour à la réalité
Pendant ce temps-là aux États-Unis en 2024, les entreprises qui s’engagent pour la parité, le climat ou la diversité sont ciblées par une armée d’influenceurs.
Le créateur d’une chaîne Youtube a ainsi mis en scène la destruction de sa Harley Davidson à l’arme de guerre parce que « la marque était devenue trop woke ».
Il introduit sa vidéo en proclamant : “The video you are about to watch is for the good of mankind”. Je ne sais pas comment décrire la suite, il faut le voir pour le croire. Régalez-vous !
Le pire, c’est que ça marche. Harley Davidson, Tractor Supply ou encore Ford sont revenues sur leurs engagements climat ou diversité après avoir été visées par des shitstorms sur les réseaux sociaux. Budweiser serait en train de craquer.
Si certaines marques reculent, d’autres anticipent : Jack Daniels a décidé la suppression de ses dispositions diversité et inclusion en apprenant que Robby Starbuck, « le chevalier anti-woke », enquêtait sur sa politique interne.
Bref, ce n’est pas demain qu’Ecotopia deviendra réalité. Mais si vous avez besoin de renfort sur vos films, publicités ou campagnes de comm’ pour accélérer les choses, écrivez-moi !
🙌 Good night and good luck
C’est tout pour aujourd’hui, merci d’avoir lu jusqu’au bout.
Vous êtes près de 5 000 à lire cette newsletter, je suis curieux de mieux comprendre qui se cache derrière toutes ces adresses email !
RDV la semaine prochaine pour reprendre le fil de nos explorations du pouvoir de la désinformation et des canulars pour éveiller les consciences sociales, politiques et environnementales.
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Merci et à très vite,
Merci Thibaut, pour la ref Ecotopia, mais la vidéo et le discours du gars qui grille sa HARLEY est dingue !
Il y a vraiment pour cette frange de population ( nombreuse, semble t 'il au regard des dernières élections US) une barrière psychologique ( un mur) à envisager un monde différent. Il s'agit en fait pour eux d'une angoisse de perte d'identité majeure.
Le fait que leur monde soit hyper restreint à une vision fantasmée de "l'amérique Rambo" , les plonge dans un grand vide annihilant d'autres voies possibles, je pense qu'une des clefs est là...
Je suis en peine et en panne pour eux,..., comme la Harley à la fin du gun show...
Merci, je vais mettre Ecotopia sur ma liste lecture, et jai surtout gagné un nouveau maître à penser Youtube (qui m'a convaincu de ne plus acheter de Harley)